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Pourquoi nos églises doivent inclure les lamentations

Supposons qu'un chant sur trois à l'église cette semaine soit un morceau en blues. La louange et l'adoration habituelles ont été réduites pour faire place à des chants exprimant la tristesse ou même le chagrin.

De nombreux services de culte canadiens semblent supposer que les gens viennent parce qu'ils recherchent une expérience positive. Mais si nous considérons le livre biblique des Psaumes comme le livre d'hymnes du peuple de Dieu, nous pouvons commencer à nous demander si l'accent mis sur le positif n'est pas disproportionné.

Le livre des Psaumes comprend des chants de louange, d'action de grâce, de repentance et de sagesse. Mais étonnamment, les psaumes de lamentation représentent plus d'un tiers - voire deux tiers selon certains spécialistes - de cette liste de chants de louange.

Les lamentations ne se vendent pas bien, comme l'a écrit le philosophe chrétien Nicholas Wolterstorff dans un article de 2001 (« If God Is Good and Sovereign, Why Lament ? » (Si Dieu est bon et souverain, pourquoi se plaindre?) dans le Calvin Theological Journal). La plupart du temps, beaucoup d'entre nous préfèrent éviter de parler de la douleur et de la souffrance.

Occasionnellement, bien sûr! Mais pas 30 ou 40 pour cent du temps. Les gens ne vont pas à l'église pour qu'on leur rappelle leurs problèmes.

Les psaumes de lamentation représentent plus d'un tiers [des psaumes].

Chanter le chagrin, le deuil et le malheur peut ressembler à une mauvaise chanson country : Morosité, désespoir et agonie s’abattent sur moi. Dépression profonde et sombre, misère excessive. Ça vous intéresse? Voulez-vous éteindre le le flux? Prévoyez-vous y revenir?

D'un autre côté, les psaumes de lamentation prononcent souvent des mots qui résonnent avec nos circonstances et nos sentiments (voir encadré). Si nous sommes honnêtes, nous avons besoin de mots pour parler de nos expériences de désorientation, d'intimidation, d'humiliation, de détresse et de lutte sans fin.

Je me souviens que la réceptionniste de notre église est venue à une réunion du personnel en faisant écho, avec des larmes, aux mots du Psaume 31:11 – « Quand ils me voient dans le magasin, ils se détournent ».

J'en suis venu à considérer la complainte biblique comme l'exercice spirituel de l'engagement émotionnel et attentif à ce qui nous arrive et à ce qui nous entoure, et à poser des questions difficiles à Dieu et à nous-mêmes. Nous devons reconsidérer l'intégration des psaumes de lamentation dans notre liste de lecture biblique et musicale pour 2022.

Que contient une lamentation?

Certains psaumes de lamentation sont personnels (certains spécialistes en dénombrent 51). D'autres sont chantés par la congrégation au nom de la nation (environ 16 d'entre eux). Dans les deux cas, des questions sont posées à Dieu.

Les psalmistes peuvent professer librement leur innocence face à la tromperie et au piège. Les éclats non filtrés de colère envers Dieu et de haine envers leurs ennemis sont une composante inconfortable de la liste des psaumes de lamentation.

Les psaumes de lamentation sont habiles à combiner la promesse et l'espoir avec le traumatisme et les larmes. Avec quelle rapidité le compositeur peut passer des problèmes et des difficultés de la vie à l'expression de la dépendance et de la confiance en Dieu. 

Un psaume de lamentation comporte certains éléments communs : un cri, une supplique, un problème et une profession de foi en Dieu. L'accent peut changer d'un psaume à l'autre. Ils se terminent souvent par une louange et une confiance, mais pas toujours. 

Les lamentations ne sont pas confinées à une section du livre des Psaumes. Elles sont dispersées dans toute la liste de lecture en hébreu. Cela donne un sens à l'expérience du monde réel et au divin synchronisme des chants lorsqu'ils sont chantés.

De nombreux passages des Écritures souvent cités, qui mettent l'accent sur la confiance et la victoire finale, proviennent d'un contexte de profonde tristesse et d'affliction. Par exemple, « Grande est ta fidélité » (Lamentations 3:22, et l'hymne familier, maintenant surtout chanté lors de funérailles) a été chanté à l'origine dans la poussière, les débris et la mort de la ville de Jérusalem envahie. Pensez à la ville de New York le 11 septembre 2001.

La phrase de Paul « dans toutes ces choses nous sommes plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés » (Romains 8:37) est déclenchée par une citation d'un psaume de lamentation, « c'est à cause de toi qu'on nous égorge tous les jours, Qu'on nous regarde comme des brebis destinées à la boucherie ».  (Psaume 44:22). Les psaumes de lamentation doivent être lus lentement et de manière réfléchie.

Les récits de la passion de Jésus sont baignés d'extraits de psaumes de lamentation. Quelques exemples : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné », Psaume 22,1 ; « Celui-là même avec qui j'étais en paix, Qui avait ma confiance et qui mangeait mon pain, Lève le talon contre moi. », 41,9 ; ils « me haïssent sans cause »", 69,4, et « Je remets mon esprit entre tes mains », 31,5.

Ainsi, le Carême et Pâques offrent une occasion opportune de considérer la valeur de la lamentation dans nos lectures et nos chants.

Lamentations modernes : esclavage, pandémie

Dans les moments de détresse, le peuple de Dieu s'est tourné vers lui en se lamentant - non seulement les auteurs de psaumes bibliques, mais aussi les auteurs de spirituals afro-américains réagissant aux horreurs de l'esclavage. Ces lamentations expriment la douleur du moment et l'espoir d'un avenir meilleur.

La pandémie continue de faire de cette période de grandes perturbations une bonne occasion d'embrasser le style. À travers la lamentation, lorsque les choses vont de travers, le peuple de Dieu regarde à l'intérieur de lui-même, il regarde autour de lui et il se tourne vers Dieu. Pas toujours avec des mots favorables.

La pratique de la lamentation est un exercice d'honnêteté envers Dieu et envers nous-mêmes. Elle permet aux courants sous-jacents de nos pensées et de nos sentiments de remonter à la surface. Elle donne à notre voix intérieure un auditoire – mon Dieu, j’ai de la colère, j’ai un cœur brisé, je suis dans la confusion. Plutôt que de laisser ces sentiments et ces questions mijoter et s'étendre à l'intérieur, l'expression extérieure de la douleur de celui qui se lamente apporte liberté et sagesse. 

La lamentation est risquée – être si honnête avec Dieu que nous sommes prêts à laisser nos mots remettre en question notre relation avec Lui.

La lamentation permet d'enlever le couvercle. (pour en savoir plus sur ce sujet, les lecteurs de Faith Today voudront peut-être se reporter à un article de Renée James dans le numéro de janvier/février 2015).

Tout au long de la pandémie, il semble qu'il se passe rarement un jour sans que la santé mentale ne fasse partie des sujets abordés. Un sondage réalisé en décembre 2020 a révélé que la santé mentale était désormais l'une des trois principales « préoccupations » des Canadiens ("Important Data Updates for the Millennial Mosaic" au www.ReginaldBibby.com).

Les stigmates historiques rattachés à un trouble m-e-n-t-a-l semblent s'estomper. Réarrangez les lettres  l-a-m-e-n-t. 

Ce à quoi mène la lamentation

La lamentation est risquée - être si honnête avec Dieu que nous sommes prêts à laisser nos mots remettre en question notre relation avec Lui. Les croyants qui se lamentent comptent sur le lien, la relation d'alliance, que Dieu a établi avec eux. Les questions ne recevront peut-être pas de réponse, mais elles doivent être exprimées. Mettre ses pensées sur papier peut être un exercice utile de libération.

La posture de lamentation est une posture de soumission et d'humilité. Elle peut être une porte vers la repentance. La pandémie pourrait-elle inciter le Corps de Christ, au niveau mondial et local, à se rapprocher de Dieu en lui faisant part de sa douleur et de ses préoccupations? La pandémie pourrait-elle nous pousser à réfléchir à l'enseignement de Paul dans 1 Corinthiens 11:30 où il écrit sur la nécessité de discerner si un problème ou une maladie peut être dû au péché?

La pandémie est au moins une occasion de faire une pause et de réfléchir. Nous pouvons même nous demander : « Avons-nous manqué la cible? »

Une telle posture affecte la manière dont nous nous voyons, mais aussi celle dont nous voyons ceux qui nous entourent. Avec l'humilité vient l'empathie. Les lamentations sur la liste de lecture hébraïque restent dans les limites de la nation d'Israël. Mais le Nouveau Testament élargit nos horizons d'empathie, nous appelant à pleurer avec ceux qui pleurent (Romains 12:15) et à renforcer les bras faibles et les genoux faibles (Hébreux 12:12). 

Et si, chaque dimanche, deux des quatre ou cinq chansons de la liste de lecture d'une équipe de louange étaient des lamentations? (Le répertoire de lamentations est-il suffisant pour que cela se produise?) Et si, une ou deux fois par mois, le sermon portait sur un sujet lié à la lamentation? (Les lamentations ne se limitent pas aux Psaumes).

Qui serait attiré par nos services? Je crois que de tels services s'adresseraient profondément aux personnes vulnérables, aux personnes abattues, aux pauvres et aux nécessiteux, à ceux qui sont abaissés par la vie.

Mais qui s'occuperait de ces personnes? Ah, c'est là le point de friction! Nous venons de changer la raison pour laquelle beaucoup d'entre nous vont à l'église - pour aider quelqu'un d'autre à se sentir aimé. Nous y allons pour servir, non pour être servis. 

Larry Hurst de Regina, est pasteur principal de transition à l'église Trailview Alliance Church, à Swift Current, en Saskatchewan. Photo : Superstock.com