Nous faisons cela depuis un certain temps. Prenons une pause et faisons le point.
Lorsque mon église à Moose Jaw ne pouvait plus se réunir physiquement pendant la Covid-19, je faisais partie d'une petite équipe qui produisait nos services en ligne chaque dimanche. Il y avait un sentiment de camaraderie et de mission alors que nous travaillions ensemble pour produire des services de louange de la plus haute qualité et les plus engageants possible.
Bien que le fait de diriger un culte chanté et de prêcher devant une caméra dans une salle plutôt vide soit difficile et épuisant, l'expérience n'en était pas moins intense, renforcée par le fait de la partager avec le groupe étroit du personnel de production et des bénévoles.
Après plusieurs semaines devant la caméra, j'ai eu une semaine de congé et j'ai vécu le service depuis chez moi. J'ai été choqué de voir à quel point il me semblait plat et sans vie. J'ai commencé à m'interroger sur la valeur du culte en ligne.
Puisque la pandémie a forcé tant d'églises à adopter les services de culte en ligne comme seule alternative pour se rassembler pendant la crise, réfléchissons à ce qui se passe lorsque nous offrons le culte en ligne et comment cela affecte les responsables de culte, les pasteurs et les fidèles maintenant et à l'avenir.
Est-ce trop facile ?
Le culte en ligne offre un moyen de participer en toute sécurité à un service de culte pendant une pandémie, mais il rend également la participation à l'église extrêmement facile. Les familles peuvent assister au culte en pyjama. Une personne peut littéralement participer sans sortir du lit.
L'inconvénient de cet accommodement est que nous risquons de perdre l'habitude d'aller régulièrement à l'église. Cette habitude nous forme. L'effort nécessaire pour s'habiller et se préparer pour l'église et pour se rendre dans un bâtiment d'église incarne et renforce la priorité que le culte doit avoir dans nos vies. Cet effort fait partie de l'offrande du culte.
Le culte en ligne altère ces valeurs et présente le culte comme quelque chose qui se passe à notre convenance plutôt que quelque chose qui exige un sacrifice de notre part. Les dirigeants d'église se demandent si le fait de proposer un culte en ligne ne sape pas le message selon lequel se réunir physiquement pour le culte doit être une priorité. En effet, certains se demandent si le culte en ligne ne risque pas de faire à nos églises ce qu'Amazon a fait aux centres commerciaux.
Qui est le public ?
Le fait de présenter nos services sur un écran renforce également notre tendance à considérer le culte comme une forme de divertissement. Le philosophe Søren Kierkegaard a noté que les chrétiens peuvent considérer l'acte de culte comme une expérience théâtrale où les responsables du culte sont les acteurs, les adorateurs sont le public et Dieu est le souffleur qui donne des directives aux responsables du culte - alors qu'une compréhension plus correcte est que les adorateurs sont les acteurs, les responsables du culte les souffleurs et le public est Dieu. Il est facile pour les adorateurs de tomber dans l'erreur d'agir comme un public, surtout en musique, puisque beaucoup de nos espaces de culte contemporains sont presque indiscernables des salles de concert.
Le fait de présenter nos services en ligne renforce encore davantage notre tendance à considérer le culte comme une forme de divertissement. La célèbre citation de Marshall McLuhan, théoricien canadien des médias, « le médium est le message », s'applique également au culte. L'écran vidéo est en grande partie un moyen de divertissement, et ce que nous voyons sur un écran, nous avons tendance à le vivre et à l'évaluer comme un divertissement. Par conséquent, les adorateurs en ligne peuvent facilement revenir à l'évaluation de ce qui apparaît sur leur écran en termes de qualité de production et de capacité du service en ligne à retenir leur attention.
La plupart des églises sont mal équipées pour rivaliser avec le contenu vidéo professionnel très répandu qui remplit nos fils de médias sociaux. Par conséquent, le culte en ligne peut être vécu comme un divertissement de troisième ordre plutôt que comme un engagement avec un être suprême. Traiter le culte comme un divertissement n'est pas un problème nouveau, mais le mettre sur un écran vidéo augmente notre tendance à voir le culte à travers un paradigme de divertissement.
La diffusion en continu de nos services modifie aussi radicalement la façon dont nous participons au culte. Mettre un service de culte en ligne n'est pas la même chose que de prendre une pièce de théâtre en direct et de la transformer en film. Le public d'une pièce de théâtre observe et évalue passivement le contenu de la scène. Dans un film, le contenu est passé de la scène à l'écran, mais le public observe et évalue toujours passivement.
Cependant, un service de culte en personne est (ou devrait être) un rassemblement hautement interactif et participatif où les adorateurs s'engagent verticalement avec Dieu dans le culte ainsi qu'horizontalement avec les autres adorateurs. Si le fait d'encourager les adorateurs en ligne à interagir par le biais de boîtes de clavardage ou de commentaires peut accroître le sentiment d'appartenance à la communauté, on est loin de la riche toile d'interaction présente pendant le culte en personne. Par conséquent, le culte en ligne est quelque chose que nous avons tendance à regarder dans la solitude plutôt que de vivre en communauté.
Le fait de présenter nos services sur un écran renforce également notre tendance à considérer le culte comme une forme de divertissement.
Paradoxalement, un média qui permet de se connecter nous éloigne également les uns des autres. Non seulement la diffusion en direct nous éloigne-t-elle physiquement, mais il y a un grand fossé entre ceux qui produisent les services et ceux qui participent à distance en ligne. Dans un service de culte en personne, les perspectives de ceux qui sont sur la plate-forme et de ceux qui n'y sont pas peuvent être quelque peu différentes, mais il s'agit toujours d'une expérience partagée.
Dans le cas du culte en ligne, les personnes impliquées dans la production sont amenées à participer activement. Dans la plupart des cas, ces personnes font partie d'une équipe et bénéficient donc d'une interaction humaine authentique pendant qu'elles servent. Par contre, ceux qui pratiquent le culte en ligne peuvent se sentir isolés de ce qu'ils ne font que regarder sur un écran. Toute forme de participation active, comme chanter en même temps que les chants, demande un effort considérable et peut même renforcer le sentiment de séparation.
Le médium et le message
Le médium en ligne exerce également une influence sur le contenu d'un service de culte. Une influence omniprésente est la pression exercée pour que les choses soient courtes. Un culte chanté de 15 minutes peut sembler une éternité lorsqu'il est visionné en ligne. Le rythme rapide et les durées de plus en plus courtes des médias visuels ont atrophié notre capacité d'attention, de sorte que les planificateurs de services sont contraints d'abréger tout ce qui se trouve dans un service de culte pour éviter de perdre l'attention des participants en ligne.
En 1985, le théoricien des médias Neil Postman a écrit que le résultat de la télévisualisation de l'église n'était pas de créer un contenu religieux pour la télévision, mais une tente de télévision pour l'église. La même pression existe pour le culte en ligne. Plutôt que de produire du contenu religieux pour les vidéos en ligne, les églises finissent par programmer des cultes qui répondent aux exigences de la vidéo en ligne.
Les églises qui adoptent le culte en ligne doivent également relever le défi de maîtriser la technologie de la production vidéo. À une époque où nos services de culte sont de plus en plus dépendants de la technologie, le culte en ligne accroît cette dépendance technologique d'un ordre de grandeur, ce qui nécessite un investissement dans l'équipement ainsi que la formation du personnel et des bénévoles. Ces investissements substantiels peuvent potentiellement détourner l'énergie et l'attention des églises de la manière traditionnelle dont elles aiment et servent leurs communautés.
Autre dilemme : que faire des sacrements? Pour les traditions qui exigent que le pain et la coupe soient administrés par un ministre ordonné, il n'y a tout simplement aucun moyen de célébrer la communion par le biais d'un flux en direct. Cependant, pour les traditions qui mettent l'accent sur le sacerdoce de tous les croyants et sur une vision emblématique des éléments de la communion, il est possible de célébrer la communion par le biais d'un flux direct. Cependant, même dans ces cas, le sentiment d'intimité et d'unité créé par la rupture du pain ensemble est diminué, voire totalement perdu.
Avec toutes les questions qui se posent sur le culte en ligne, une chose est sûre : il n'est pas prêt de disparaître. Même si une église choisit de ne pas diffuser ses propres services, ses fidèles auront accès aux cultes en ligne d'autres églises, ce qui donnera lieu à une nouvelle forme de « butinage d’église numérique ».
Une voie intermédiaire
Une voie intermédiaire possible pour les églises est d'utiliser leur culte en ligne comme un moyen de garder les fidèles connectés lorsqu'ils ne sont pas disponibles pour y assister. Les églises peuvent souligner l'importance des réunions en personne tout en offrant des services en ligne comme alternative lorsque la réunion en personne n'est pas possible. De cette façon, le ministère en ligne prend la place du ministère sur cassettes que de nombreuses églises ont commencé à utiliser dans les années 1970 pour rester en contact avec les personnes confinées chez elles.
Les épîtres du Nouveau Testament offrent un exemple de présence médiatisée lorsque la présence physique n'est pas possible. Ces auteurs ont écrit des lettres afin d'étendre leur présence à une communauté qu'ils ne pouvaient pas visiter autrement. Cependant, Paul et Jean ont tous deux exprimé le désir que la présence en personne soit l'option préférée (Romains 1:11-12 ; 3 Jean 1:13-14).
L'Écriture nous rappelle de ne pas renoncer aux rassemblements (Hébreux 10:25). Bien que le rassemblement en personne soit la norme biblique, le culte en ligne est-il une alternative légitime? Pour répondre à cette question, nous devons d'abord comprendre l'objectif du rassemblement de culte. Dans le culte, l'Église proclame et commémore l'Évangile. Cet Évangile célèbre un Dieu qui s'est fait chair et physique et qui a habité parmi son peuple.
Présenter cet Évangile d'une manière désincarnée, sur un écran vidéo bidimensionnel, semble miner l'aspect incarné de la foi chrétienne. Vivre la foi chrétienne exige des rencontres humaines sans intermédiaire dans lesquelles nous sommes entièrement présents les uns aux autres. L'avènement du culte en ligne peut nous amener à négocier à nouveau comment et quand ces rencontres incarnées ont lieu, mais le culte en ligne ne peut pas les remplacer complètement.
Alors que la Covid-19 se poursuit, les églises doivent s'interroger sur le rôle que le culte en ligne jouera dans leur ministère aujourd'hui et à l'avenir. Les innovations technologiques telles que l'imprimerie, la radio, la télévision et maintenant l'Internet ont toutes influencé notre façon de célébrer le culte. Tant que ces innovations continueront à perturber nos modes de rassemblement et de communication, l'Église devra continuer à adapter ses méthodes tout en restant fidèle à l'Évangile.
Lorsque je dirigeais des chants pour le culte en ligne, j'ai pris l'habitude de regarder directement la caméra, faisant de mon mieux pour imaginer la présence des adorateurs en ligne de l'autre côté de la vitre. Lorsque mon église est revenue au culte en personne, j'ai été pendant un temps très heureux de pouvoir à nouveau établir un véritable contact visuel avec l’assemblée.
Cela m'a rappelé les paroles de Paul : « Aujourd'hui nous voyons au moyen d'un miroir, d'une manière obscure, mais alors nous verrons face à face ». Bien sûr, nous attendons toujours de voir notre Sauveur face à face, mais en attendant, je chérirai mes rencontres avec ses porteurs d'image, mes compagnons d'adoration, face à face ou autrement.
Geoff Dresser est professeur adjoint des arts de la louange au Briercrest College and Seminary de Caronport, en Saskatchewan, et il est également pasteur de la louange à la Victory Church de Moose Jaw.