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Accès refusé

31 December 2024 By Bruce Clemenger

Liberté religieuse et utilisation des espaces publics

Traduit par François Godbout. Ce texte en anglais

Les Canadiens et leurs organisations ont depuis longtemps la possibilité d'utiliser librement des espaces publics tels que les parcs, et de louer des installations telles que des écoles, des bibliothèques, des hôtels et des centres de conférence. Le refus d'accès fondé sur la religion viole la liberté religieuse et entrave la capacité des communautés religieuses à contribuer au bien public.

Cependant, le refus d'accès est de plus en plus fréquent et un ministère chrétien conteste ces limitations d'accès devant un tribunal du Québec. Le ministère avait signé un accord de location d'un centre de congrès dans la ville de Québec et a vu son contrat annulé par la ministre du Tourisme quelques semaines avant la tenue de la réunion. Pourquoi ? Parce que les convictions pro-vie de cette organisation étaient jugées contraires aux « valeurs québécoises ».

Même si les questions pro-vie ne figuraient pas à l'ordre du jour de la conférence, le site web de l'organisation exprimait des opinions pro-vie et la ministre du Tourisme a estimé que c'était un motif suffisant pour annuler le contrat. Le Québec soutient que la liberté de religion ne s'applique qu'aux individus et non aux organisations telles que les églises et les ministères. (Les catégories juridiques sont les personnes physiques – individus – et les personnes morales – organisations caritatives et sans but lucratif.)

Si elle est confirmée, cette décision aura un impact profond sur les organisations religieuses au Québec et pourrait constituer un précédent pour le reste du Canada. De nombreuses organisations religieuses ne disposent pas de leurs propres bâtiments et doivent donc louer des installations publiques. Elles ont parfois besoin de locaux plus vastes pour organiser des événements spéciaux, des conférences ou d'autres activités caritatives.

image de Quebec City par Rich Martello

L'une des pierres angulaires de la liberté de religion est la possibilité de promouvoir notre foi publiquement. Jésus parlait dans des espaces ouverts où les gens pouvaient se rassembler ou passer. Les foules étaient parfois nombreuses - pensez aux 5 000 personnes qu’il a nourries dans Matthieu 14:13-21 - et parfois assez petites - pensez à la femme au puits dans Jean 4:7-36. De même, les apôtres ont prêché dans des lieux publics, faisant parfois l'objet de harcèlement et de menaces (Actes 17).

L'engagement constitutionnel en faveur de la liberté de religion contraint nécessairement les gouvernements et leurs décideurs à ne pas exercer de discrimination à l'encontre d'un groupe dont ils ne partagent pas les points de vue légitimes. Ils ne peuvent pas promouvoir une foi donnée, ni chercher à privatiser ou à marginaliser une religion ou toutes les religions. Contrairement aux États-Unis, nous n'avons pas de disposition constitutionnelle interdisant le financement par le gouvernement de projets religieux. Au Canada, les gouvernements peuvent s'associer à des organisations religieuses pour défendre les intérêts de tous, à condition qu'ils le fassent de manière équitable et sans préjugés.

Dans la première affaire concernant la liberté de religion portée devant la Cour suprême en vertu de la Charte des droits et libertés, la Cour a défini ce qu'est la liberté de religion. Le juge en chef Dickson a écrit : « La liberté de religion est le droit d'entretenir les croyances religieuses de son choix, le droit de déclarer ses croyances religieuses ouvertement et sans crainte d'entraves ou de représailles, et le droit de manifester ses croyances par le culte et la pratique ou par l'enseignement et la diffusion ».

Il a également écrit que la liberté de religion nous permet de nous exprimer ouvertement et sans crainte, et qu'elle implique l'absence de coercition ou de contrainte. « La coercition comprend les formes directes et indirectes de contrôle qui déterminent ou limitent les autres modes de conduite possibles », a-t-il écrit.

Nos tribunaux affirment que l'expression religieuse est de nature communautaire. Les tribunaux canadiens ont reconnu que la liberté inclut les dimensions individuelles et collectives de la croyance religieuse, que la religion est ancrée dans la société et se manifeste dans les institutions et les traditions, et qu'un lieu de rassemblement est d'une importance primordiale. Contrairement à l'argument du Québec, la liberté de religion a été comprise comme incluant à la fois les personnes physiques et les personnes morales.

La liberté de religion est la pierre angulaire d'une société libre et démocratique, car elle permet l'expression de croyances légitimes, en particulier celles qui peuvent ne pas être approuvées par d'autres, y compris la majorité des citoyens ou le gouvernement en place. En effet, la Cour suprême a reconnu que les communautés religieuses « jouent un rôle important dans l'espace public où se déroulent les débats de société ». Il semble tout à fait normal que ce rôle soit rempli dans des espaces publics.

L'AEC se joint à d'autres organisations chrétiennes pour défendre l'utilisation des espaces publics par les groupes religieux. Cette affaire remet en question notre capacité à nous rassembler en tant que communautés dans des espaces publics pour apprendre, servir ou célébrer un culte. Cette liberté doit être défendue.

Bruce J. Clemenger est ambassadeur principal et président émérite de l'Alliance évangélique du Canada, et auteur de The New Orthodoxy: Canada’s Emerging Civil Religion (Castle Quay, 2022). Photo de la Ville de Québec : Rich Martello

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