Bonita Mercer est éleveuse de bovins à Monetville, en Ontario, et membre du conseil d'administration de la Christian Farmers Federation of Ontario, une organisation professionnelle pour les entrepreneurs agricoles familiaux. La CFFO défend les intérêts de 4 000 familles agricoles et conseille le gouvernement provincial sur les solutions politiques à apporter à un large éventail de questions agricoles et rurales.
Faith Today : Dites-nous à quoi ressemble votre vie actuelle en tant qu'agricultrice.
Bonita Mercer : Mon mari et moi avons une exploitation de vaches et de veaux. Nous y travaillons depuis 41 ans. Nous avions l'habitude d'élever des chevaux Percheron enregistrés, mais maintenant nous nous consacrons uniquement au bétail. Nous avons des veaux au printemps et nous les vendons à l'automne. Nous finissons par nourrir les gens, mais tout commence avec les bébés.
C'est étonnant de voir que même après tant d'années, on ne se lasse pas de ce miracle.
L'agriculture a beaucoup changé. À l'époque, si vous aviez besoin d'une nouvelle pièce d'équipement, vous appeliez simplement votre banquier. Aujourd'hui, les jeunes doivent faire face à de nombreuses difficultés. La partie personnelle du financement est beaucoup plus difficile, surtout pour les nouveaux agriculteurs qui veulent se lancer. C'est un gros obstacle maintenant. Les pratiques agricoles ont changé, comme tout le reste dans la vie.
FT : Parlez-nous des personnes qui veulent se lancer dans l'agriculture.
BM : Il y en a de plus en plus. J'ai fait partie d'un comité chargé de trouver des solutions à la pénurie de vétérinaires pour gros animaux en Ontario avec l'Université de Guelph. Il y a beaucoup de gens qui veulent être appelés colons. Ils ont une ou deux vaches, quelques cochons, quelques poulets. C'est de l'agriculture, qu'il y ait une ou cent vaches. Il y a beaucoup plus de nouveaux venus. Il y a beaucoup de gens du sud de l'Ontario qui viennent s'installer ici [à environ quatre heures/350 km au nord de Toronto], qui achètent de petites terres et qui pratiquent l'agriculture.
Nous devons nous rappeler que c'est ainsi que tous les agriculteurs ont commencé. Là où je suis, il y a cinq générations d'agriculteurs, et c'est ainsi qu'ils ont commencé. Ils avaient un cheval. Ils ont défriché quelques arpents de terre. Ils avaient une vache pour la viande et le lait, et ils avaient quelques poulets. Ils reviennent à la façon dont vivaient nos arrière-arrière-grands-parents.
Vous devez avoir un fort désir en vous.
FT : Quel est le rôle de la foi dans l'agriculture, selon votre expérience? ,
BM : Je prie tous les matins, et pas parce que je suis une bonne chrétienne. Je travaille toujours à essayer d'être une meilleure chrétienne. Dans une ferme, vous ne savez jamais ce que chaque jour va apporter. Dans une ferme, l'inconnu est amplifié parce qu'il y a tellement de vie ici. Chaque matin, on se réveille en espérant que les vaches seront toujours là. Je travaille toujours sur ma foi. Si je n'avais pas la foi, la vie serait si différente et si solitaire.
Vous avez un sens aigu de la création de Dieu. Quand je pense au nombre de veaux que nous avons eus au fil des ans, je sors toujours dehors pour voir comme ils sont beaux. L'aspect spirituel est très réel. Il implique la réalisation de la vie et de la création.
Notre chef est le Seigneur. Que dit Dieu sur ce que nous devons faire de la terre? Sur la façon dont nous devons planter? Que devons-nous faire de notre bétail? C'est à Dieu que nous demandons les réponses, pas à nous-mêmes. Dieu nous dit de faire ce qui est juste pour nos terres, de ne pas les gaspiller. Appréciez-les. Respectez-les. Faites ce qui est juste. Essayez de faire ce qui est juste, ce qui signifie ne pas blesser la terre. On ne prend pas un morceau de terre pour l'épuiser. Ceux qui épuisent la terre ne pensent pas à demain et à la prochaine génération. De quoi avez-vous réellement besoin?
FT : Pouvez-vous nous en dire plus sur le travail de la CFFO et le rôle de la foi dans ce domaine?
Ceux qui épuisent la terre ne pensent pas à demain et à la prochaine génération.
BM : Nous partageons notre foi, et notre foi a un impact sur notre façon de cultiver. La camaraderie entre nous est importante. En ce qui concerne nos activités, nous avons récemment envoyé une lettre au sujet de la pénurie de logements. De nombreuses terres agricoles sont destinées à la construction de maisons. Nous avons écrit une lettre demandant au gouvernement de préserver les terres agricoles. Nous savons que c'est compliqué car il faut aussi trouver une solution à la pénurie de logements. Oui, nous avons besoin de logements, mais nous ne pouvons pas laisser le développement interférer avec la sécurité alimentaire. La réponse n’est pas simple. Nous travaillons avec d'autres organisations agricoles et interagissons avec les politiciens pour répondre à des questions telles que : « Comment allons-nous obtenir de la nourriture à l'avenir? » Nous devons penser à l'avenir.
Au sein de la CFFO, nous sommes constamment encouragés à nous instruire davantage. Il y a toujours des séminaires et toutes sortes d'opportunités éducatives disponibles.
Nous avons tous la certitude que Dieu est dans notre vie, et que nous sommes frères et sœurs. Ce n'est pas seulement de belles paroles.
Il y a toujours des informations disponibles. Si un nouvel agriculteur a une question sur quoi que ce soit, nous avons des ressources dans tous les districts. Vous pouvez vous adresser à des gens qui font la même chose que vous, il y a donc cette interaction et cette connexion avec d'autres personnes. Le réseautage est la chose la plus importante.
FT : Parlez-nous de certains des défis auxquels les agriculteurs sont confrontés actuellement.
BM : Il y a le changement climatique. Le temps est imprévisible. Avant, vous pouviez compter sur une récolte avec un temps un peu prévisible. Maintenant, ce n’est plus possible. Vous pouvez avoir une sécheresse et ensuite trop de pluie. La météo est un grand défi.
On apprend tout sur la vie en agriculture. La vie est imprévisible. C'est pareil pour l'agriculture. Vous travaillez chaque jour avec ce qui se passe. Vous travaillez avec les cartes qui vous sont données.
Il y a une pénurie d'abattoirs. Il faut des mois et des mois maintenant pour transformer le bœuf. Nous essayons d'encourager le gouvernement à nous aider, à construire plus d'abattoirs, car ils sont réglementés par le gouvernement. Beaucoup d'entre eux sont fermés à cause de la paperasserie.
Nous sommes aussi en concurrence avec de grosses sommes d'argent. Quand on parle de développement immobilier, par exemple, il s'agit de gros sous. Nous pouvons dire que nous voulons ces terres pour l'agriculture, mais il y a des sociétés multimillionnaires qui font à leur gré.
Un autre défi est celui des machines agricoles. Pour le petit agriculteur, si vous avez 20 à 30 têtes de bétail et que vous payez 30 000 à 40 000 $ pour une presse à balles, vous devez vendre beaucoup de veaux pour couvrir cette dépense. Il faut payer cher pour obtenir l'équipement. En ce qui concerne la production laitière par ici, le dernier chiffre que j'ai entendu était de quatre fermes laitières étaient encore en activité. Il y en avait une quarantaine auparavant.
Nous ne sommes que deux dans l'élevage bovin dans cette région, en partie parce qu'il faut avoir beaucoup de têtes pour que ça soit rentable. Vous ne pouvez pas avoir seulement 30 têtes. Il faut avoir beaucoup plus de bétail pour payer les machines. Cela a fait disparaître beaucoup de petites exploitations.
FT : Que voulez-vous que les gens sachent sur la vie d'agriculteur?
BM : Que nous travaillons tous les jours. Les agriculteurs travaillent tous les jours pour [le mieux-être de] tout le monde, pour fournir de la nourriture. Beaucoup de gens vont au magasin et achètent leur steak et leurs légumes, mais pensent-ils : « D'où est-ce que cela vient? Qu'est-ce que quelqu'un a dû faire pour fournir cette nourriture? » J'aimerais que les gens pensent davantage à l'origine de la nourriture. Nous devons travailler ensemble. Il s'agit de prendre conscience à quel point nous sommes dépendants les uns des autres.
Nous partageons notre foi et notre foi a un impact sur notre façon de cultiver. La fraternité avec les autres est importante.
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FT : A votre avis, qu'est-ce qui rend la vie différente pour un agriculteur qui est aussi un Chrétien?
BM : Nous avons des comptes à rendre à Dieu. Lorsque vous êtes responsable devant le Seigneur, je me demande si vous prenez la vie plus au sérieux. Je me demande si elle a plus de valeur pour vous parce qu'il ne s'agit pas seulement de vous. Il s'agit d'autres personnes et du Seigneur. Le meilleur témoin, c'est vous, votre façon de vivre et ce que vous faites. Vous n'êtes pas seul. Quand vous êtes un agriculteur chrétien, vous n'êtes jamais seul.
C'est très gratifiant. Je laboure encore avec un attelage de chevaux. Mon mari, bien sûr, utilise toujours le tracteur. Mais il y a quelque chose de particulier dans le fait de travailler avec un animal et d'être présent au moment où la terre est retournée. On se sent plus proche de Dieu. Comment ne pas l'être? Tout comme à la ville, quand vous regardez vos enfants et que vous vous dites : « N'est-ce pas incroyable? Ils sont nos enfants et une extension de nous-mêmes. »
C'est la même chose avec l'agriculture. Notre travail est une extension de nous-mêmes. L'amour est un mot fort, mais je pense que c'est le mot juste. On ressent l'amour du monde et l'amour des autres à travers ce que l'on fait. L'amour est le mot juste. C'est comme, « Seigneur, merci. J'aime ce qui se passe ici. » Je suppose que le mot amour est le bon.
FT : Dites-nous comment l'agriculture vous a aidé dans votre foi.
BM : L'agriculture m'a toujours rapprochée de Dieu, depuis que je suis toute petite. Il est partout. Il est partout dans la ville aussi. Mais quand j'entends les oiseaux chanter et que je vois le bétail, je sais que nous prenons soin des animaux et que Dieu prend soin de nous.
J'aimerais que les gens sachent qu'ils ne sont pas seuls, surtout en ce moment. Si nous pouvions avoir un plus grand sentiment d'unité, le monde ne serait-il pas tellement meilleur? Nous aimons tous être indépendants, mais je ne pense pas que nous ayons été conçus pour l'être au point de ne pas avoir besoin de quelqu'un d'autre. Nous avons besoin de personnes en qui nous pouvons avoir confiance, et elles existent. Nous avons besoin les uns des autres.
Lorsque vous voyez quelque chose grandir, quelque chose s'éveille en vous, et vous ressentez une paix et une joie que même avec tout ce qui se passe dans le monde, il y a quelque chose de beau qui se passe. Lorsque vous donnez naissance, le monde entier s'arrête. Il y a une paix et une joie que vous ne pouvez pas expliquer, mais cela se produit, que ce soit un bébé, un veau ou une semence en germination dans la fenêtre de votre cuisine.
FT : Lorsque vous rencontrez un autre agriculteur, y a-t-il une connexion immédiate?
BM : Un agriculteur est un agriculteur. Vous pouvez rencontrer un agriculteur au Brésil et vous sentez la connexion. C'est drôle comme tous les agriculteurs semblent avoir le même esprit intérieur. On ne cultive pas pour l'argent. On cultive parce qu'on a ça dans le sang. C'est juste quelque chose qu’on se sent poussé à faire.
Mon mari et moi travaillons aussi toujours en dehors de la ferme. C'est le cas de beaucoup d'agriculteurs. Mais vous rentrez à la maison, et vous cultivez parce qu'il y a quelque chose dans l'agriculture que vous devez faire. Vous trouvez cet équipement supplémentaire, vous achetez ce bétail. Je regarde en arrière et je me demande comment on a pu faire tout ça.
Lorsque vous donnez naissance, le monde entier s'arrête. Il y a une paix et une joie que vous ne pouvez pas expliquer, mais cela se produit, que ce soit un bébé, un veau ou une semence en germination dans la fenêtre de votre cuisine.
Dieu vous bénit lorsque vous essayez de faire ce qui est juste. Je parle à beaucoup de gens qui sont découragés. Si vous ne réussissez jamais, ce n'est pas ce qui est important. Ce qui est important, c'est que vous essayez. C'est tout ce qu'on peut demander aux autres aussi.
Les agriculteurs ont des tâches à accomplir sept jours sur sept. Nous avons des routines tellement fortes que nous pouvons oublier que la vie est toujours en train de changer. Quand on est agriculteur, il faut le reconnaître. On ne peut pas rester bloqué quelque part. On ne peut pas avoir la nostalgie du bon vieux temps. On peut s'en souvenir et en tirer des leçons, mais il faut être réaliste et honnête, et évoluer avec son temps, mais pas en compromettant son intégrité. C'est compliqué pour chacun d'entre nous. Nous devons nous asseoir et réfléchir par nous-mêmes.
FT : Quel est la caractéristique essentielle d'un agriculteur?
BM : L'engagement. Ils sont engagés dans tout ce qu'ils cultivent et font. Cet engagement est leur passion. Notre engagement à prendre soin du bétail est une extension de nous-mêmes. Ce n'est pas seulement pour nous. C'est pour le bénéfice de beaucoup. C'est un service. C'est une source de nourriture. Je suis aussi une chanteuse de country, et dès que j'entends que quelqu'un est agriculteur, mon cœur chante : « Un autre agriculteur! » C'est comme une belle chanson pour moi.
FT : Merci, Bonita.