Le point de vue d'experts sur une culture de travail saine pour les lieux de travail chrétiens.
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Un grand tableau d'étourneaux est accroché dans les bureaux du Canadian Centre for Christian Charities à Elmira, en Ontario. Les étourneaux sont de petits oiseaux qui volent ensemble par milliers comme s'ils formaient un seul nuage fluide, leur parcours n'étant pas dominé par un seul leader. (Regardez leur danse sur YouTube.)
Selon le PDG John Pellowe, le tableau représente la culture collégiale du centre, communément surnommé Quatre C, qui offre un soutien administratif et de direction aux organisations et églises chrétiennes.
Cette culture collégiale et collaborative est la sauce secrète qui rend tout lieu de travail plus sain, plus productif et plus créatif, selon Barry Slauenwhite, directeur régional canadien du Best Christian Workplaces Institute. Et ce, qu'il s'agisse d'un bureau, d'un groupe de personnes travaillant chacune à domicile, d'un centre de ressources, d'un milieu agricole ou de tout autre contexte qui compose l'écosystème chrétien canadien.
Huit moteurs d'une culture de travail florissante
Par le Best Christian Workplaces Institute
Les moteurs épellent l'acronyme anglais FLOURISH.
- Des équipes fantastiques (F)
- Un travail vivifiant (L)
- Des talents exceptionnels (O)
- Une croissance stimulante (U)
- Une rémunération gratifiante (R)
- Un leadership inspirant (I)
- Une stratégie durable (S)
- Une communication saine (H)
SOURCE: BCWINSTITUTE.ORG
« La collaboration consiste à réunir tout le monde autour de la table et à prendre les meilleures décisions, déclare M. Slauenwhite. Un membre de l’assemblée a autant le droit d'avoir une opinion que celui qui siège au conseil d’administration ou au bureau de direction. »
Slauenwhite reconnaît que les dirigeants ne peuvent pas mettre en œuvre toutes les idées avancées, mais ils peuvent y prêter une attention particulière. « Lorsque j'étais PDG de Compassion Canada, j'étais constamment étonné par les idées qui me parvenaient du personnel. » Sa réponse était souvent : « Bon point. Pourquoi n'y ai-je pas pensé moi-même? »
La collaboration crée l'engagement
L'élément le plus important d'un lieu de travail collaboratif est l'engagement des employés, selon M. Pellowe et un livre blanc intitulé The 8 Drivers of a Flourishing Work place Culture, publié sur BCWInstitute.org.
Le livre blanc reprend la définition de l'engagement donnée par le professeur de commerce William Kahn : « L’engagement est la mise en œuvre de la personnalité des membres de l'organisation dans leur rôle professionnel. Les gens s'emploient et s'expriment physiquement, cognitivement et émotionnellement » tout en travaillant pour l'organisation.
L'engagement ne signifie pas que les employés sont toujours heureux ou qu'un lieu de travail sain est dépourvu de désaccord et de conflit. Il signifie que les employés se présentent volontairement, avec leur talent, leur créativité, leur expérience et leurs idées, pour renforcer les forces de l'organisation et relever ses défis.
Pellowe considère l'engagement en termes d'intendance donnée par Dieu. « Chaque personne ici est douée par Dieu d'une manière ou d'une autre. Si leurs dons sont liés à quelque chose que nous pouvons utiliser, les utilisons-nous? Nous avons demandé aux gens et nous les avons formés à penser à leur travail comme à des intendants de leur travail, à croire qu'il ne s'agit pas seulement de dire 'j’ai été embauché(e) pour remplir une fonction', mais 'je suis propriétaire de cette partie de la fonction'. »
Selon lui, l'engagement dans un lieu de travail sain est en fin de compte une question de plénitude de la foi dans la mission chrétienne. « Si Jésus-Christ travaillait [ici], après avoir été là pendant un certain temps, dirait-il : 'Mince, Jean me fait penser à moi' ? Ou dirait-il : 'Je pense que je vais emmener mes compétences et mes dons ailleurs' ? »
"La collaboration consiste à réunir tout le monde autour de la table et à prendre les meilleures décisions."
Les huit moteurs en action
Le Workplaces Institute a été mis sur pied pour adapter les meilleures pratiques en matière de ressources humaines aux contextes chrétiens. Il est basé près de Seattle (Washington) et possède un bureau canadien à London, en Ontario. L'institut prend le pouls de la culture de bureau dans les assemblées et organisations chrétiennes par le biais de sondages et d'entrevues, et offre une accréditation annuelle aux organisations qui répondent à leurs huit critères ou moteurs d'un milieu de travail sain.
The Mustard Seed, un ministère de rue qui a vu le jour à Calgary, en Alberta, et qui fournit des produits de base aux sans-abri, a utilisé les principes du Workplaces Institute pour améliorer sa culture. Le PDG actuel, Stephen Wile, raconte que lorsqu'il s’est joint à ce ministère, les employés avaient pris l'habitude de se manquer de respect les uns envers les autres, créant ainsi un environnement de travail toxique.
Cet état de chose était totalement insoutenable. « The Mustard Seed s'occupe de certains des citoyens les plus vulnérables de nos villes, explique Stephen Wile. Cela signifie souvent un haut niveau d'anxiété et de stress. Nous n'avons pas besoin d'ajouter à ce stress, donc nous devons créer un environnement encourageant dans lequel les employés et les bénévoles aiment venir travailler. »
Wile et son équipe ont commencé à travailler intentionnellement pour créer un environnement plus sain, plus collaboratif et plus respectueux. The Mustard Seed a maintenant reçu l'accréditation du Workplaces Institute chaque année depuis 2018, et s'est depuis étendu à 700 employés, offre un plus large éventail de services et comprend des opérations dans trois autres villes de l'Alberta - Red Deer, Edmonton et Medicine Hat - ainsi qu'à Kamloops, en Colombie-Britannique.
La rue à double sens
Une grande partie du changement en milieu de travail commence au niveau de la direction. M. Slauenwhite affirme qu'un milieu de travail sain « dépend beaucoup du leadership » pour amorcer le développement de l'engagement des employés, « pour admettre que certaines choses ont besoin d'aide et pour prendre des mesures » à la suite des suggestions des employés.
Les leaders inspirants ont quatre marqueurs, selon M. Slauenwhite. Ils assument la responsabilité de développer un lieu de travail sain. Ils mesurent la santé du bureau (M. Slauenwhite indique que les sondages du Workplaces Institute sont utiles), ainsi que des consultations informelles et des entrevues impromptues. Ils veillent à ce que l’obligation de rendre compte soit juste et uniforme dans l'ensemble de l'organisation, notamment en ce qui concerne leurs propres actions. Et surtout, ils prennent l'initiative de favoriser une culture de collaboration et de collégialité.
« Une communication saine est la première et la plus importante tâche d'un leader. C'est l'ingrédient essentiel de la sauce secrète de la collaboration, déclare M. Slauenwhite. Si vous ne faites que répondre au besoin d'une communication saine, tout le reste va s'améliorer. »
Bien entendu, que ce soit au sein d'une famille, d'une entreprise, d'une communauté informelle ou d'une organisation à but non lucratif, la communication est une voie à double sens. Les dirigeants doivent s'exprimer clairement et pratiquer une écoute active.
À The Mustard Seed, M. Wile a donné l'exemple de l'expression claire lorsqu'il a commencé à mettre un frein au manque de respect parmi le personnel. Il a fait du respect mutuel une valeur fondamentale de l'organisation (TheSeed.ca/About) en engageant des conversations avec le personnel au sujet d'incidents spécifiques afin que tous puissent s'améliorer ensemble.
Le partage de l'information était également essentiel. « Nous n'allons pas prétendre que le savoir donne le pouvoir ici à The Mustard Seed, dit M. Wile. Vous devez partager l'information avec les autres gestionnaires, directeurs et employés. »
Chez Quatre C (certifié par le Workplaces Institute depuis 2017), M. Pellowe mise sur l'écoute intentionnelle. Tout au long de l'année, il demande périodiquement aux employés de donner leur avis sur la culture globale de l'organisation. « Qu'est-ce que je peux faire pour être un meilleur leader pour eux? Suis-je un goulot d'étranglement? Obtiennent-ils ce qu'ils attendent de moi? »
Une communication saine est la première et la plus importante tâche d'un leader.
Encore une fois, une véritable écoute signifie que les dirigeants agissent sérieusement sur les idées et les suggestions des employés, ou du moins les considèrent sérieusement comme faisant partie du plan global de l'organisation. « La seule chose qui soit pire pour le moral que de ne pas écouter vos employés, dit M. Pellowe, à l’appui des propos de M. Slauenwhite, c'est de leur demander leur avis et de ne rien faire. »
Cette écoute active et collaborative est le moteur le plus direct de l'engagement des employés, là où la beauté de la chorégraphie des étourneaux affichée dans le bureau des quatre C apparaît. Si les employés savent que leurs idées, leur contribution et leur travail comptent pour l'ensemble de l'organisation, ils seront encouragés à continuer à collaborer, à proposer leurs idées, leur contribution et leur travail.
C'est aussi la meilleure occasion pour les employés de contribuer à un lieu de travail sain. M. Slauenwhite encourage les membres du personnel à « être ouverts et transparents » en ce qui concerne la rétroaction, car les employés engagés « se soucient suffisamment du ministère pour porter les idées et les préoccupations à l'attention de leurs superviseurs ».
Toutefois, il met en garde contre les employés qui profitent de l'ouverture d'un superviseur en présentant une tactique de division ou une attitude hostile. L'objectif est de contribuer à l'équipe. Il incombe au leader d'instaurer une culture de collaboration en offrant des possibilités de rétroaction et de consultation, mais il incombe à tous de maintenir cette culture. Là encore, il s'agit d'une voie à double sens : les employés doivent s'exprimer, mais ils doivent aussi bien écouter.
Inclusivité et compétence interculturelle
De nombreuses organisation des secteurs privé et à but non lucratif envisagent la santé au travail à la lumière de ce qu'elles appellent la diversité, l'équité et l'inclusion.
L'idée est que les lieux de travail présentent parfois des obstacles qui les empêchent de refléter correctement la population de la société au sens large. Par exemple, les femmes représentent 51 % de la population globale, mais seulement 41 % des membres des conseils d'administration. Les minorités représentent 23 % de la population canadienne, mais seulement 10 % des membres des conseils d'administration.
Ces statistiques sont tirées d'une présentation faite en 2020 par le Diversity Institute de la Toronto Metropolitan University. Un autre rapport de l'institut affirme que la diversité sur le lieu de travail accroît la collaboration et le respect, et peut ouvrir une organisation à de nouvelles idées et à de nouvelles voies de croissance.
Pour d'autres entrevues sur l'inclusion au travail avec des experts chrétiens, voir FaithToday.ca/WorkplaceInclusion. –MN
Rémunération et avantages sociaux
Wile mentionne un facteur plus concret du succès de Mustard Seed. Il est conscient des pressions financières auxquelles sont soumises les organisations à but non lucratif axées sur la justice sociale, mais il s'oppose à l'idée selon laquelle ces organisations ne peuvent payer que des salaires de misère et n’offrir que des avantages sociaux minimums à leurs employés. « Nous ne voulons pas ajouter à l'indice de pauvreté ».
Après avoir exprimé publiquement son engagement en faveur d'un salaire équitable et d'avantages sociaux complets lors d'un événement de collecte de fonds, un donateur a fait un don généreux de 400 000 dollars qui a couvert les deux tiers de l'objectif de rémunération que s’était fixé The Mustard Seed.
Selon M. Pellowe, les Quatre C se soucient tout autant de l'ensemble des personnes qui y travaillent, notamment en maintenant un comité social actif et familial et en respectant le besoin de limites saines des employés. Les membres du personnel peuvent faire preuve de souplesse en combinant travail à domicile et travail au bureau, et sont libres de prendre des congés pour assister à des événements familiaux. La direction s’attend à ce que les employés limitent autant que possible leur semaine de travail à 35 heures.
En fin de compte …
Au milieu de tous ces discours sur la culture, la collaboration et l'engagement, qu'en est-il du travail concret aux plans de la productivité, des buts et des objectifs? « Il faut avoir des objectifs, des délais et une gestion de projet, car c'est ce qui coordonne le travail, explique M. Pellowe. Mais nos plans ne sont pas nos maîtres. Nous sommes les maîtres de nos plans. »
La façon dont une organisation réagit lorsque les plans ne se déroulent pas comme prévu montre la différence flagrante entre un lieu de travail toxique et un lieu de travail sain. Selon M. Slauenwhite, la responsabilité reste l'une des caractéristiques d'un leader inspirant, et l'expérience de M. Wile montre que la responsabilité fait partie d'une communication saine dans les deux sens. La différence réside dans ce qu'implique la responsabilisation, dans la manière dont elle est exercée et dans les personnes auxquelles elle s'adresse.
Pellowe déplore la façon dont certaines organisations créent un environnement rigide, chacun pour soi, en licenciant régulièrement leurs employés les moins productifs. Les Quatre C optent plutôt pour une évaluation objective et une réponse flexible.
« Lorsque quelque chose se produit et que les objectifs ne sont pas atteints, nous réorganisons et redéfinissons les priorités », explique-t-il. Ils ajustent les objectifs et les attentes pour s'adapter « aux nouvelles informations qui arrivent ou s'il y a une meilleure opportunité vers laquelle nous préférons nous tourner ». Ces explications de l'échec sont bien plus courantes que la simple incompétence.
La façon dont une organisation réagit lorsque les plans ne se déroulent pas comme prévu montre la différence flagrante entre un lieu de travail toxique et un lieu de travail sain.
Comme le souligne le document sur les 8 moteurs, les lieux de travail sains recrutent et développent systématiquement des « talents exceptionnels » et élaborent des « stratégies durables ». Ces deux facteurs renvoient à la remarque de M. Pellowe sur l'intendance.
Il dit qu'il pense beaucoup à l'intendance et à la responsabilité dans le cadre de son propre rôle de dirigeant d'un lieu de travail chrétien. En fin de compte, les chrétiens se tournent vers un seul juge, qui nous dira définitivement si nous avons tous bien géré nos rôles et nos vocations.
« Un jour, Dieu nous demandera des comptes, dit-il. Comment avons-nous permis à son peuple de s'épanouir sous notre direction? Les avons-nous aidés à être tout ce que Dieu voulait qu'ils soient? Ou les avons-nous étouffés? »
Écoutez un nouvel épisode du Faith Today Podcast avec Al Lopus, cofondateur du Best Christian Workplaces Institute et auteur du nouveau livre The Road to Flourishing : Eight Keys to Boost Employee Engagement and Well-Being (IVP, 2022) à FaithToday.ca/Podcasts.
Matthew Neugebauer est un écrivain de Toronto et un coordonnateur du marketing numérique pour Salt + Light Media. L'été dernier, il a fait un stage à Faith Today.