Conseils bibliques pour les assemblées d'immigrants et autres
Nous sommes tous nés dans une culture et avons tous été influencés par cette culture. Cette question était une préoccupation majeure de l'apôtre Paul et, encore aujourd'hui, elle a de profondes répercussions sur les églises locales canadiennes.
Imaginez une église en Arabie Saoudite composée de gens de Hong Kong. Certes, la culture saoudienne pourrait avoir un certain impact sur cette église, mais seulement dans la mesure où les participants seraient intégrés dans la culture saoudienne. La culture de cette église sera principalement déterminée par la mesure dans laquelle les membres expriment la culture chinoise qu'ils ont en commun.
Le Canada compte de nombreuses églises d'immigrants de première génération, qui conservent généralement à un degré élevé la culture de leur patrie d’origine parce que leurs membres ne sont pas encore très intégrés à la culture canadienne. C'est tout à fait naturel pour tout immigrant récent.
D'autre part, les enfants et petits-enfants des immigrants sont beaucoup plus intégrés à la culture canadienne. C'est là que les choses se compliquent et que deux questions difficiles doivent être posées.
1. L'adoption de la culture immigrante est-elle une condition pour être membre d'une église ?
Je connais beaucoup de fidèles de la deuxième génération dans les églises chinoises. Ils me disent qu'ils ne sont pas assez considérés comme suffisamment Chinois et qu'ils manquent donc de foi. Pourquoi ? Parce que leur langue maternelle est l'anglais et que leur christianisme intègre des éléments culturels chinois et occidentaux. Je crois que c'est typique pour beaucoup d'églises d'immigrants.
Quand on m’a demandé de diriger les services en anglais dans une église chinoise, les gens plus âgés étaient très inquiets que leurs enfants deviennent moins chinois et plus occidentaux. Ils voulaient dire par là qu'ils deviendraient de plus en plus anglophones et de moins en moins « chinoisophones ». Ils ont ressenti un certain soulagement (bien qu'ils n'aient pas été convaincus) quand je leur ai dit : « Je ne m'intéresse pas à l'une ou l'autre culture à moins qu'elle ne soit conforme aux Écritures, mais je suis intéressé qu'ils deviennent chrétiens et grandissent en Christ quelle que soit la langue qu’ils parlent. »
Dans Galates 3:28, Paul dit qu'il n'y a ni Juif ni Grec en Christ. Il veut dire par là qu'être chrétien transcende toute culture. Et tout comme Paul recommandait aux Juifs de Galatie de ne pas ajouter la Loi comme exigence pour les Gentils, de même nous ne pouvons pas imposer une exigence de culture ethnique. Nous sommes le peuple de Dieu par grâce, par la foi en Christ. Tout autre fardeau est fait de matière périssable qui sera brûlée.
La culture, cependant, n'est pas neutre. Il y a des choses dans une culture qui sont conformes aux Écritures et d'autres qui ne le sont pas. Cela signifie que nous devons évaluer notre culture d'une manière critique. Ainsi, par exemple, l'hospitalité fait partie de la culture chinoise et s'aligne directement avec les Écritures (Romains 12:13; 1 Pierre 4:9). Il est donc clair que cette caractéristique culturelle devrait être conservée.
Honorer ceux qui sont plus âgés est une autre valeur culturelle chinoise claire et conforme aux Écritures (Lévitique 19:32). Cependant, lorsque l'honneur est élevé au point où l'on obéit à une personne âgée simplement en raison de son âge et de son statut, même si sa demande n'est pas biblique, cette valeur culturelle cesse d’être acceptable. Pourquoi? Parce que cette valeur culturelle va à l'encontre des Écritures.
2. Y a-t-il des moments où la culture immigrante doit être conservée et des moments où elle doit être rejetée ?
Oui. Quand la culture immigrante des fidèles contribue à la mission de Dieu, il est important de la garder. Ainsi, par exemple, si les croyants chinois vivent dans un quartier qui a une grande population d'immigrants chinois, alors il est important qu'ils gardent leur caractère chinois pour faciliter la venue de ces voisins chinois à Christ.
Par contre, lorsque ce quartier n'a plus une importante population de nouveaux arrivants, l'église devrait chercher à rejoindre tous les Canadiens en adoptant la langue et la culture du contexte canadien immédiat. Éventuellement, une église de culture immigrante (p. ex. chinoise, philippine, etc.) devrait devenir une église qui représente plus que cette seule culture immigrante.
Paul prévoyait que les églises locales embrasseraient et intégreraient éventuellement des personnes de toutes les cultures lorsqu'il a déclaré : « Il n'y a ni Juif ni Gentil » (Galates 3:28), exprimant ainsi l'unité en Christ.
Paul a constamment promu cette idée de « devenir comme les Juifs pour gagner les Juifs » (1 Corinthiens 9:20). Il persuada même Timothée de se faire circoncire pour le rendre plus acceptable aux Juifs qu'ils servaient.
Il existe aujourd'hui un problème de désunion au sein de nombreuses églises d'immigrés, surtout parmi les églises qui ont plus de fidèles de deuxième génération que de première génération.
Dans ce scénario, il est important pour le groupe de première génération de considérer comment atteindre et garder la deuxième génération. Cela exige de collaborer avec la deuxième génération et de trouver ensemble un moyen d'aller de l'avant qui permette une nouvelle expression de leur foi dans un contexte collectif. Ce faisant, la première génération répond à l’injonction de Paul d’« être tout pour tous » (1 Corinthiens 9:22).
Ce processus est plus difficile pour la première génération. Mais tout comme Christ a renoncé à ses droits et privilèges pour devenir humain, la première génération doit abandonner une partie de ses origines culturelles pour embrasser la deuxième génération et les garder en Christ.
Les défis les plus importants sont la langue et le leadership. La première génération devra s'efforcer de créer un leadership plus collégial et égalitaire qui inclut la jeune génération anglophone ou francophone. Ce processus exigera de la maturité et des sacrifices. (Voir « Collegial Leadership » dans le numéro de janvier 2017 d’Evangelical Missions Quarterly et « Building Unity » d’avril 2017 à MissioNexus.org/EMQ/EMQ-Archives.)
Dans les cultures qui honorent fortement les aînés, ce changement doit venir des aînés. La base du pouvoir étant typiquement détenue par le pasteur principal et la première génération plus âgée, c’est à eux qu’il revient de poser le premier geste. Sinon, la deuxième génération partira ou l'église restera en désunion.
Apprendre de l'histoire de l'Église canadienne
Il y a quelques bons exemples de l'histoire récente de l'Église qui peuvent être utiles aux églises ethniques d'aujourd'hui.
La plus grande partie de l'immigration au Canada entre les années 1600 et le milieu des années 1900 provenait d'Europe. Par exemple, l'Église baptiste suédoise s'est formée pendant cette période, tout comme les Églises baptistes allemande et ukrainienne.
Ces églises ont connu une période de désunion alors que la deuxième génération a adopté la culture canadienne et l'anglais comme langue maternelle. Mais en fin de compte, les membres de ces églises furent intégrés dans les grandes dénominations baptistes, ou assimilés à d'autres églises confessionnelles ou non confessionnelles, ne gardant plus leur langue distinctive.
Il est naturel pour les personnes qui immigrent dans un autre pays d'établir une église selon leur propre culture et langue. Mais il est également naturel que les enfants de ces immigrants veuillent, soit intégrer la langue et une partie de la nouvelle culture d’accueil, soit quitter l’église de leurs parents et fréquenter d'autres églises.
Cela peut signifier que les croyants de la deuxième génération quitteront une église de langue immigrée pour fréquenter des églises ethniques anglophones ou francophones ou pour fréquenter des églises non immigrantes. C'est peut-être même un signe de santé que ces jeunes en majorité se différencient de leurs parents et trouvent avec maturité des lieux de culte compatibles avec leurs croyances et leurs préférences culturelles.
Dans les grandes villes, les minorités visibles peuvent trouver des églises intentionnellement multiethniques.
Mais malheureusement, il y en a beaucoup qui quittent l'église entièrement ou qui se résignent à rester dans des églises marquées par la discorde.
Rappelons-nous que la dernière prière de Jésus sur terre était pour l'unité. La désunion dans l'Église est une offense à la Trinité et une entrave à la conversion du monde à la foi en Jésus. Il est donc de toute première importance pour le plus grand secteur de croissance du christianisme de modéliser l'unité de la Trinité au sein de leurs églises, pour le bien de ceux qui, en dehors de l'Église, se demandent en quoi l'Église est différente du monde.
Dans 1 Corinthiens 3:10-15 Paul explique comment une église doit être construite à partir de matériaux de construction impérissables tels que l'or, l'argent et les pierres précieuses, qui représentent pour lui la sagesse de Dieu - le Jésus Christ crucifié et ressuscité par qui les croyants peuvent avoir la vie. Paul rejette d'autres matières périssables - le bois, le foin et la paille - qui représentent la sagesse de cet âge qui s'est éteint avec la venue du Royaume de Dieu.
Je pense qu'un matériau périssable qui ne devrait pas être utilisé pour construire l'Église est la culture. Si l'apôtre Paul venait au Canada aujourd'hui, il pourrait prêcher les mêmes mots qu'il a utilisés pour affronter l'église de Corinthe. Le défi aujourd'hui, comme c'était le cas à l'époque, est d'extirper les aspects nuisibles de la culture pour que l'Église puisse s’épanouir.
Les églises ethniques au Canada sont une branche vitale de la vigne du Seigneur. Pour protéger leur croissance, il peut être nécessaire de les tailler un peu. Ceci prendra la grâce et la sagesse que Paul prescrit aussi pour les constructeurs d'église dans ce passage.
Craig A. Smith est professeur d'études bibliques au Carey Theological College de Vancouver.
Applications dans les églises non ethniques
Le changement de génération décrit dans cet article se produit dans toutes les églises, même dans les églises non ethniques. Voici quelques questions pour appliquer les idées énoncées dans cet article aux églises non ethniques.
- Il est naturel pour les églises de réserver la plupart des postes de direction à des croyants matures. Pouvez-vous dresser une liste des valeurs culturelles communes, des concepts préférés, des habitudes de vie et des expressions verbales des dirigeants de votre assemblée?
- Pensez maintenant à des groupes d'autres membres de l'église qui pourraient être différents de vos leaders matures. Si votre église n'est pas une église d'immigrants, vous pourriez considérer vos jeunes adultes sont comme un groupe de « deuxième génération », ou peut-être des adultes qui ne sont croyants que depuis cinq à dix ans?
- Maintenant que vous avez deux groupes en tête, demandez-vous en quoi ils se ressemblent et en quoi diffèrent. Par exemple, est-ce que chaque groupe respecte les aînés de la même façon? Est-ce que chaque groupe donne la priorité aux mêmes aspects de l'Écriture? De la vie chrétienne? Est-ce que chacun a les mêmes goûts en matière de cinéma, de musique, de livres? Est-ce que chacun a des valeurs financières similaires?
- Lorsque vous trouvez des valeurs culturelles divergentes, jugez-les seulement sur deux aspects. Dans quelle mesure sont-elles conformes aux Écritures et contribuent-elles à votre compréhension de la mission de Dieu pour votre assemblée?
- Lorsqu'il y a conflit de valeurs, pouvez-vous envisager des façons dont la valeur la moins biblique ou missionnale peut gracieusement céder la place à la valeur la plus biblique ou missionnale? Ce ne sont pas tous des choix entre l’un ou l’autre.
Par exemple, certaines assemblées peuvent avoir des membres qui se sentent appelés à mettre l'accent sur le militantisme en faveur de la justice sociale, alors que d'autres ont des priorités différentes mais tout aussi bibliques. Vous pouvez aussi dégager quelques différences dans les préférences liturgiques, les styles de musique d'adoration ou le besoin de rénover le bâtiment. Si une analyse semble indiquer que les deux points de vue sont scripturaires, alors vous avez probablement découvert une différence portant davantage sur des valeurs culturelles. Si ce n'est pas le cas, peut-être que votre église peut se lancer dans une étude approfondie de cette question. Si vous avez deux valeurs bibliques égales, mais que l'une d'elles correspond clairement mieux à la compréhension de la mission de Dieu pour votre groupe, vous pourrez alors aller de l'avant. Si les deux sont également bibliques et missionnales, vous devrez alors demander la sagesse à Dieu. La prière patiente obtiendra sûrement une réponse! – PERSONNEL DE FT